La mémoire des choses
La chambre numéro un, la chambre d'amis, vide depuis bientôt une semaine, attend impatiente son nouveau client. Le patron y passe tous les jours pour prendre son café sur le balcon. L'armoire bleue au fond à droite est la création du patron. Autrefois, quand sa grand mère et sa tante habitaient dans la maison, il n'y avait que des étagères cachées par un rideau vert. Lorsque le patron a amménagé, il avait vu le modèle de l'armoire dans une magazine de déco et l'a fait faire sur mesure. Du coup, chaque fois que quelqu'un passe dans la chambre, il se demande ce que pourrait bien cacher cette armoire. Mais le patron laisse durer le suspense. Vous devez venir vous même pour découvrir et profiter de l'air frais qui entre du balcon. Le lit, était celui du patron quand il était encore enfant. Les clients qui y passent peuvent se dire qu'ils ont l'honneur d'avoir dormi là où le patron a dormi durant une vingtaine d'années. Bon pour le moment, la pension, comme son patron, est bien calme. Un peu trop peut être.
Dans cette même chambre, trône une vieille armoire, celle de Tante Rita. Le patron se rappelle que sa vieille tante, possedait tout dedant et que personne n'avait le droit de toucher à son armoire. Elle l'avait ramenée du village d'où elle est arrivée à la maison déjà jeune fille. L'armoire était toujours fermée à clef, et tante Rita prenait soin qu'elle seule ait une copie de ces cles. Maintenant l'armoire est toujours là, le patron y a mis au fond des vieux portraits des defunts de la famille qui ornaient tous les murs de la pension avant qu'il vienne s'y installer. Comme ces portraits représentaient ceux qui ont habité dans la pension dans une autre époque, le patron n'a pas pu s'en débarrasser complètement et les amis dans cette armoire. Par contre, le reste de l'armoire est à disposition des clients et des amis qui viennent à la pension. Les morts y restent tranquils.
Mais c'est surtout cette armoire à la quelle le patron tient le plus. C'est son Grand Père ! Bon, le patron se doit une explication à ses amis et lecteurs. En fait, le patron n'a jamais connu son grand père mort avant même le mariage du père du patron. Mais pendant toute son enfance, le patron venait dans cette maison, l'actuelle pension, rendre visite à sa grand mère et à ses deux vieilles tantes qui étaient restées vieilles filles. Jusqu'à l'âge de 12 ans, le patron a passé tous les dimanche avec sa grand mère. Et chaque dimanche, sa grand mère emmenait le patron et son frère ainé dans sa chambre, ouvrait son armoire, celle qui est sur la photo, et sortait une boite en carton bien conservée. Très lentement, comme si elle sortait une momie de son cercueille, elle sortait le Tarbouche du grand père décédé, l'offrait à ses deux petits enfants et leur demandait avec une petite voix remplie d'émotion: - sentez, sentez bien , c'est l'odeur de votre grand père. Et elle offrait le tarbouche tanto au patron, tanto à son frère qui prenait une bonne dose d'air en respirant par le nez pour bien se remplir les narrines de l'odeur du grand père inconnu. Chaque dimanche la même scène se répétait jusqu'à la mort de la grand mère. Les deux vieilles tantes ont gardé dans cette armoire les affaires de la grand mère une vingtaine d'années. Le tarbouche lui a disparu. L'odeur avec. Mais, s'il y a un meuble auquel tient vraiment le patron dans la pension c'est bien cette armoire, mémoire des grands parents disparus.