Haruko Yamashita
Ce jour là, après avoir terminé la réparation du chauffe eau, le patron s’est vite dirigé vers le supermarché du coin pour remplir son frigo d’habitude vide. Il n’allait tout de même pas recevoir ses nouveaux clients sans penser à leur petit déjeuner. Lui, il n’a pas l’habitude de manger avant d’aller au boulot, mais là, le couple en question devait trouver de quoi manger pour un petit déjeuner sympa. Il a alors acheté des fromages, des yaourts, du pain, des croissants, etc. Juste en arrivant chez lui, il reçoit un coup de fils de son tonton qui lui disait que l’avion était bien arrivé à l’heure et qu’ils étaient en route vers la pension. Le patron s’est précipité à tout mettre dans le frigo, à mettre les lumières d’ambiance, à parfumer la pension avec de un spray tout bon. Bref, à 22 heures trente, on sonne à la porte. Le patron ouvre et se trouve nez à nez avec son tonton et avec une dame japonaise qui s’incline automatiquement pour le saluer. Le patron, s’incline aussi puis lui fait la bise à la française ! Non mais, on est francophile ou on ne l’est pas ! Et à la pension c’est la francophilie qui l’emporte. Malheureusement elle ne parle pas français. Le patron ne parlant pas japonais lui non plus, la conversation se déroule donc en anglais ! Pour cette première soirée, l’oncle du patron fait les présentations. La sculptrice s’appelle Haruko Yamashita. Elle vit au Japon mais est déjà venue trois fois en Egypte pour assister et travailler au symposium international de sculpture qui se déroule chaque année à Assouan et dont Adam Henein, l’oncle du patron, est le pionnier et le commissaire. Le patron leur sert alors une vodka orange, prépare quelques mezzés rapidement et ils passent cette première soirée à faire une petite conversation avec eux. Haruko semble épuisée après ces seize heures de vol et le patron doit aussi se réveiller très tôt pour aller à l’école.
Le lendemain, le patron a pu faire une meilleure connaissance de Haruko. Elle a donc commencé sa carrière à l’âge de 22 ans au japon où elle a appris la sculpture et notamment, la première matière qu’elle a appris à travailler c’était le granit, la pierre la plus dure à travailler quand on est sculpteur. Puis, un jour, elle avait fait un voyage en Egypte et est restée impressionnée par l’art égyptien et surtout par le fait de son éternité. « Le granit est une pierre qui est extrêmement solide et qui ne s’effrite pas aussi facilement comme les pierre qu’on utilise au Japon. Cette idée d’éternité m’a tellement impressionné et j’ai voulu, moi aussi, faire une œuvre d’art qui restera éternelle.
Quoi de mieux de travailler le granit et surtout dans un cadre comme celui du symposium d’Assouan, considéré maintenant comme Le meilleur symposium de sculpture au niveau international sur tous les plans : le cadre est magnifique, la pierre nous est fournie sans contrainte, deux mois de travail durant lesquels on a le temps de se connaître et de s’enrichir des expériences artistique des autres sculpteurs. L’organisation est magnifique. Je ne pouvais pas espérer mieux. J’ai voulu donc faire une œuvre d’art monumentale qui restera gravée dans l’éternité comme ces monuments qui durent depuis des milliers d’années. Cette idée me travaillait tellement et ça devenait de plus en plus fort en moi. Quand j’ai été accepté à participer à ce symposium, je me suis mis au travail. J’ai choisi seize blocs de granite d’un mètre cube chacun. J’ai commencé un travail qui a duré 8 mois avec une équipe d’ouvriers égyptiens d’Assouan qui sont devenus mes vrais collaborateurs. L’idée c’était de faire un anneau de trois mètres de diamètre qui soit en même temps un peu en spiral. » Comme le patron essayait de s’imaginer le travail, Haruko s’est précipitée dans la chambre pour revenir avec un dvd où tout le travail avait été enregistré. Un vrai travail de précision à la japonaise. Une fois la partie sculpture terminée, les seize blocs de granite ont été transportées d’Assouan jusqu’à Hurgada, exactement à El Gouna, énorme complexe hôtelier appartenant au richissime homme d’affaire copte Sawiris. Sur une petite île face à l’hôtel Sheraton du Gouna, on dressa une base sur laquelle les seize blocs ont été mis avec une telle précision pour former enfin cet anneau en spiral. « Au début, je n’imaginais pas que ça allait être aussi grand mais quand j’ai vu le résultat j’étais presque étonnée de la taille de l’œuvre. J’ai réalisé à quel point je suis vraiment japonaise vu la précision du travail effectué surtout pendant l’assemblage des blocs. Je n’aimais pas trop l’endroit, je trouvais les bâtiments autour moches et sans âme. Puis je me suis dit que dans trois cents ans, ces bâtiments disparaitront, mais mon œuvre restera et deviendra monument historique ! C’est exactement ça ce que je voulais réaliser en Egypte. Je suis fière de ce travail. »
Cette fois, Haruko est partie avec Adam de nouveau à Assouan pour se lancer dans un nouveau projet encore plus grand. Qui sait où sa recherche de l’éternité l’emmènera ! La pension a pu vivre deux jours inoubliable grâce à la présence de ces deux artistes hors du commun.