La bulle cassée
Le patron a l’impression parfois de vouloir volontairement vivre dans une bulle. Il évite de lire la presse égyptienne, regarde rarement les chaines de télé égyptiennes, vit tranquillement sans trop se soucier des tumultes sociopolitiques qui l’entourent. Cela peut choquer beaucoup de ceux qui l’entourent ou ses lecteurs. Mais, ça fait déjà plusieurs années qu’il a opté pour ce mode de vie pour pouvoir garder une certaine sérénité, moyen indispensable quand on veut survivre dans un pays comme l’Egypte. Il avait souvent entendu quelques amis et lecteurs du blog lui dire qu’il ne voyait que le coté rose de la vie en Egypte, qu’il essayait toujours de tout embellir. Certes, mais c’est un choix volontaire, comme le fait de tenir une boussole et la diriger vers ce qui est positif pour pouvoir avancer. Mais, parfois, malheureusement, les évènements de la vie le poursuivent comme un dragon des profondeurs des mers qui surgi à la surface et l’oblige à voir la vérité en face. Le monde politique ne l’a jamais intéressé. Il sait que derrière chaque idéal aussi positif soit-il, l’intérêt humain rentre en jeu et pourri tout effort d’investissement personnel. A quoi bon s’investir alors ? Vaut mieux vivre sur son nuage rose, s’extasier devant un sourire d’enfant, un bonjour affectueux d’un inconnu, ou tout simplement un chat roupillant sur les genoux d’un vieux rêveur. Mais, lorsqu’on vit en Egypte, et surtout lorsque le Président américain décide de visiter le Caire, le patron n’arrive pas à rester indifférent. Ce n’est pas le discours que la nouvelle star américaine prononcera, ni l’impacte politique sur le moyen orient ! Il s’en tape le patron ! C’est surtout les mesures de sécurité invraisemblables que l’Etat a prises pour le cortège de l’Américain. La Star américaine a eu l’idée saugrenue de prononcer son discours de l’université du Caire, au sud du Caire, dans un quartier extrêmement bloqué par la circulation et entouré de milliers d’immeubles. Mais pour en arriver là (comme dirait Dalida), il devra traverser le Caire en entier, du nord (là où se trouve l’aéroport) jusqu’au Sud.
Du coup, une des artères principale qui passent tout près de la pension de la joie, la rue Khalifa el Maamoun, là où se trouvent des centaines d’immeubles de luxe, de milliers de magasins de tout genre, voire une université regroupant six facultés où des milliers d’étudiants passent actuellement leurs examens finaux, toute cette artère va vivre un moment unique : Ce n’est certainement pas la joie de pouvoir faire un petit coucou à la star américaine ! Bien au contraire : Tous ces édifices cités se sont trouvés avec des tractes distribué depuis deux jours leur interdisant ce qui suit : stationnement et circulation de voitures, ouverture de fenêtres et de balcon de tous les immeubles tout au long de la rue, promenade à pied dans la rue.
En plus, il y a aussi la fermeture obligatoire des milliers de magasins de cette rue alors que ce n’est pas un jour férié ! Ces mesures seront appliquées à partir de neuf heures du matin jusqu’à dix sept heures. A remarquer que le stationnement dans la rue sera interdit depuis la veille. Quand on vit au Caire, et qu’on sait que les immeubles sont construits sans garage pour parking, qu’on est en plein été et qu’on ne peut même pas ouvrir les fenêtres pour aérer, qu’ aucun de ces magasins ne sera indemnisé pour sa journée de congé forcée, que l’université en entier a dû annuler des examens finaux et les déplacer retardés de quelques jours bousculant les étudiants dans leurs programmes de révision, on se demande bien pourquoi notre star américaine n’a tout simplement pas prononcé son discours qui changera le monde, et encore, de sa petite maison blanche ?
Le patron lui, sera obligé lui aussi d’annuler toutes ses sorties ce jour là, restera tranquillement sur son balcon, qui ne donne heureusement pas sur la grande artère interdite, en espérant que ce cauchemar se termine le plus vite possible.