Partira ?
Le patron retient son souffle : Partira ? Ne partira pas ? Il vient d’apprendre que M… va prononcer un discours où tous les pronostiques disent que, ce soir, sera une soirée Historique puisque M… partira ! Le patron n’arrive pas à croire ces oreilles, ne veut pas s’enthousiasmer un peu trop pour ne pas sombrer dans la déprime au cas où M… lance sur la tête de tous les Egyptiens une mauvaise nouvelle. Le patron était encore à l’hôpital avec son père en entendant cette nouvelle. Et comme l’heure du couvre feu s’approchait, le patron a dû embrasser son père et sa mère, en espérant que demain sera un jour meilleur pour L’Egypte entier. Le patron a dû encore faire quelques détours dans les rues d’Héliopolis pour ne pas se trouver coincé dans les rues barricadées près du palais présidentiel et de la demeure de M… puisque Le patron et M… sont voisins, jusqu’à présent. En rentrant, il a trouvé un jeune qui vendait des drapeaux d’Egypte aux conducteurs. Auparavant, le patron n’avait jamais pensé acheter un des ces drapeaux que les Egyptiens secouent uniquement lors des matchs de foot. Et comme le patron n’a jamais été un grand fun de foot, payer de l’argent donc pour ça était une chose qui ne l’avait jamais intéressé. Mais, ce soir, c’est différent. Un sentiment de fierté, d’orgueil d’appartenir à ce pays qui était tombé si bas à cause de la corruption de ses responsables, et qui s’est redressé depuis dix sept jours, depuis ce fameux 25 Janvier 2011. Il s’est dit alors que si jamais, les rumeurs s’avéraient juste, si jamais la bonne nouvelle tant attendue par la plupart des Egyptiens devienne réalité, alors, le patron descendra dans la rue brandissant son drapeau pour crier sa joie dans toutes les rues d’Egypte. Auparavant, le patron ne s’était jamais intéressé à la politique, il savait que la corruption remplissait son pays, mais se sentait démunis face à l’ampleur de cette catastrophe nationale. Il s’était fait une bulle dans laquelle il vivait, comme beaucoup d’Egyptiens : son travail, ses amis francophones et, ou libéraux, sa pension de la joie, ses sorties, ses voyages. Il avait suivi ce que vit son pays pendant ces dix sept jours avec beaucoup de méfiance, de peur, de crainte, d’admiration aussi. Mais, petit à petit, le voilà qui s’intéresse à la politique, comme la totalité du peuple égyptien actuellement. Là, il veut juste figer le temps, ces quelques minutes d’attente avant le discours de M… . Partira-t-il ? Ne partira pas ? On verra ... !