Numéro un

Publié le par nagui chehata

La dernière fois que le patron était allé voir son ophtalmo, il avait passé cinq heures et demie en attente et s’était chopé une salle grippe qui l’avait bloqué au lit pendant quatre jours à cause de la climatisation de l’hôpital. Cette fois ci, il devait y retourner pour vérifier si la tension de l’œil était toujours trop élevée. Il a décidé alors de faire un saut très tôt à l’hôpital pour réserver sa place. La veille, il avait téléphoné à Saad, le fameux chauffeur de taxi, qui n’as plus de taxi maintenant, mais plutôt une voiture privée, une jolie Fiat Uno rouge qu’il a achetée et qu’il utilise pour accompagner quelques élèves de l’école où le patron travaille. Ils s’étaient donc mis d’accord avec lui pour qu’ils se rencontrent à la porte du collège après que le chauffeur aurait accompagné ses élèves et après que le patron aurait garé sa voiture gentiment à l’intérieure de l’école. Puis, Saad devait accompagner le patron vite fait à l’hôpital pour que ce dernier réserve sa place, puis de nouveau le raccompagner au collège pour ses cours. Tout cela devait se passer en un intervalle d’une heure. Pas facile qu’on est au Caire et que c’est huit heures du matin avec les embouteillages monstres de la ville. Bref, le patron devait retourner à son collège pour assurer ses deux heures de cours, puis de nouveau retrouver Saad pour qu’il le raccompagne à l’hôpital avant midi, l’heure à laquelle le docteur arrivait. Bref, le patron a même décidé ce jour là de laisser sa voiture tranquillement à la maison puisqu’il savait que les infirmières en rose allaient lui mettre des collyres aux yeux et que ça l’empêchait de conduire facilement. Saad était ponctuel comme toujours, c’est une de ses plus grandes qualités et a retrouvé effectivement le patron devant la porte. Vite, ils se sont dirigés vers l’hôpital malgré un embouteillage monstrueux sur le pont du 6 octobre, ce fameux pont qui fait 12 kilomètres et qui traverse la Caire du nord au sud. Arrivé à l’hôpital, le patron y entre vite pour trouver, ô grande surprise ! L’hôpital totalement vide : juste l’employé de la propreté entrain de nettoyer avec une lenteur qui souligne un enthousiasme profond. Personne à la réception. Les chaises vides posées là en attendant l’invasion des patients. Le calme qui régnait dans cette place était impressionnant et le son de la télé qui diffusait des versets de coran à peine audibles accentuaient encore ce sentiment de rêve. Cet endroit se vidait donc de temps en temps ! Le patron promenait ses yeux à droite et à gauche en cherchant quelqu’un pour inscrire son nom mais personne n’arrivait et l’employé continuait à nettoyer tranquillement. Le patron alors s’hasarde et demande à quelle heure arrivaient les employées de l’accueil. Vers huit heures trente. Le patron adore cette non précision typiquement égyptienne. Comment peut on être précis pour les rendez vous quand on vit dans une ville comme le Caire? Oui, certes, mais la cloche des cours au collège, elle, elle est précise, et la direction ne va pas trop apprécier le retard du patron professeur ! Arrive enfin une infirmière rose ! Le patron la supplie qu’elle inscrive son nom dans la liste. Elle refuse : Ce n’est pas son travail. Il lui explique qu’il doit filer au boulot. Elle cherche quelques papiers, inscrit son nom sans un sourire. Il sera bien le numéro un de la liste? Elle lui dit peut être. Le patron s’en va vite, retrouve Saad et file à l’école. Il arrive deux minutes avant la cloche. Il rentre en classe essoufflé, fait son cours en pensant à tous les scénarios possibles lorsqu’il arriverait à l’hôpital et trouverait que la liste aurait été modifiée et qu’il ne serait plus numéro un. Il ferait un de ces scandales, c’est sûr et partirait. Il n’allait certainement pas répéter l’expérience de la dernière fois. La cloche sonne de nouveau. Le patron retrouve Saad, et file vers l’hôpital une deuxième fois. Cette fois-ci, changement de décor. La salle d’attente grouille de monde. Le son de la télé est bien fort. Les patients s’endorment d’impatience sur les chaises jadis vides. Le patron demande à l’employée de l’accueil qui était arrivée entre temps, dieu seul sait à quelle heure, s’il est le numéro un. L’employée lui sourit et confirme. Il sourit, la tension baisse. Il cherche une chaise pour patienter. Cette fois ci, il n’attendra qu’une heure et demie, le temps que le docteur voit d’abord les cas des opérations de la veille puis, une jolie voix appellera le patron. Il rentre. Le docteur est tout frais. Ils se saluent. Tout va bien. La tension a  vraiment baissé.

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J
tu as eu plus de chance que tous ces pauvres malheureux du grand centre ophtalmo d'état a guiza qui a été fermé du jour au lendemain laissant des milliers de patients et d'employés sur le carreau !<br /> tu n'a pas dit si la pression avait diminué ????
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