Refaire le monde
Parmi les moments qu’adore aussi le patron c’est les « retours » d’anciens clients de la pension de la joie. La rencontre avec ceux qui sont partis voir ailleurs est toujours passionnante.
Isabelle, une amie désormais de longue date, était justement de passage au Caire, malheureusement pas à la pension cette fois-ci, mais le patron a tout fait pour qu’ils puissent repasser une soirée en tête à tête pour avoir de ses nouvelles. Elle avait travaillé au Caire avec l’association Médecins du monde pendant plusieurs années. Elle a même était cliente à la pension de la joie pendant un des étés durant lequel le patron était en France et a gardé l’ex chat de la pension.
Ce vendredi soir donc, le patron l’a rencontrée au fameux club grec au centre ville. Club grec qui, malheureusement, a perdu tout son charme depuis que les habitués boycottent le resto jadis bien fréquenté par les intellos du Caire. L’administration du club grec a pris une malheureuse décision de faire payer les clients 35 livres à la porte du resto avant même d’y entrer comme minimum charge pour le resto. 
Les habitués ont trouvé le geste très indélicat et du coup, le fameux restaurant a perdu sa clientèle qui faisait tout le charme de l’endroit. Maintenant, le resto est devenu sans âme et sans âmes : tables vides, silence de mort, quelques nouveaux clients posés sur des chaises, une tristesse dans l’air. Seuls les serveurs restent toujours accueillants et chaleureux et regrettent aussi l’âge d’or du club grec.
Bref, c’était quand même l’endroit idéal pour pouvoir papoter tranquillement avec l’ex cliente de la pension de la joie et avoir de ses nouvelles tranquillement.
Médecins du monde en Egypte travaillent dans un cadre très tabou. S’occuper des enfants des rues, notamment des filles de rues qui se trouvent enceintes à cause de leur vie dure dans la rue et qui n’ont droit à aucune assistance dans les hôpitaux faute de papiers qui prouveraient qui serait le père de ce bébé. L’Egypte étant un pays très conventionnel et où une fille enceinte hors cadre de mariage est très mal vue. Ces filles se trouvent alors affrontées à une vie très difficile et leur vie est souvent en danger lorsqu’elles se retrouvent enceinte. Le rôle de Médecins de monde est justement de sensibiliser les entités gouvernementales et les hôpitaux de l’état pour qu’ils puissent accepter ces filles et pour qu’il y ait un suivi pour elles. Rôles très difficiles parce que souvent les responsables refusent d’agir professionnellement sans se laisser guider par leur convictions personnelles et religieuses. Un combat dur pour l’association, la seule qui agit dans ce domaine sensible en Egypte. Si Médecins du monde n’étaient pas là, la vie de ces jeunes filles, parfois même trop jeunes, resteraient extrêmement dure. Un grand combat reste à faire dans un pays où le fléau de l’intégrisme bloque de plus en plus d’esprits.
Isabelle est repartie ce matin. Elle continuera son combat avec l’association contre la misère humaine qui remplit les rues d’Egypte.