silence de mort

Publié le par nagui chehata

Silence de mort ! Plus rien n’existe ! Même les mots n’existent plus, comme bloqués au plus profond d’un gouffre. Face à ces images que les télés diffusent nuit et jour, face à la rage que le patron ressent à chaque nouvelle, il n’y a que la colère et l’envie de tuer qui poussent doucement en lui comme une mauvaise herbe qu’on a du mal à arracher. Colère et haine contre lesquelles le patron a toujours lutté. Ces valeurs destructives qu’il a détestées chez les autres, les voilà qui s’emparent de lui sans qu’il n’ait la moindre possibilité de changer les données. Il y a aussi, à son quotidien, les larmes terribles de Hatem, son majordome qui, lui est de là-bas, là où les morts ne se comptent plus. Ses deux sœurs et leur famille, ses oncles, ses tantes. Voir cet homme pleurer, regarder ses yeux angoissés jour et nuit guettant la moindre bonne nouvelle à la télé, sursauter avec lui au moindre téléphone pour savoir si ceux de l’autre coté sont toujours vivants, tout cela n’aide absolument pas le patron à garder intactes les valeurs de l’amour, de dialogue et de fraternité qu’il a défendues tout au long de sa vie. Et c’est surtout ça qui plonge le patron dans ce silence de mort. Il ne veut pas parler de sa petite vie actuellement qui lui semble peu significative avec ses fêtes, ses sorties, ses soirées, ses amis, ses douleurs et ses joies. Tout cela semble perdre sa valeur. Il ne veut pas non plus se lancer à dire et à écrire  des mots nourris de haine. Il veut juste se taire, et laisser libre court à ses larmes, peut-être laveront-elles un peu de cette tristesse qui se creuse sur ses joues. Et comme un malheur n’arrive jamais seul, il vit en même temps une rupture amoureuse, définitive cette fois, avec la personne qu’il a aimée le plus. Mais, cette douleur personnelle semble infiniment mesquine face à tout ce qui se passe à quelques centaines de kilomètres de la pension de la joie. Il essaye de fuir tout cela, il sort tous les soirs, rencontre des amis, essaye de s’amuser, mais, une amertume enveloppe tous les lieux qu’il fréquente comme cette nuage de fumée noire qui empoisonne le Caire pendant les mois d’automne. Il rentre à la pension le soir, allume sa télé pour voir qu’entre temps, une vingtaine d’enfants sont mortes et il replonge dans le silence.

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N
Merci beaucoup à tous pour vos commentaires ! c'est rassurant de voir qu'on partage tous le même avis ! maintenant, espérons que la calme actuel continue et que la vie devient un peu moins dur pour ceux qui ont perdu les leurs et surtout pour les bléssés qui, eux , doivent survivre s'ils arrivent à le faire.
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A
Si seulement toutes nos larmes pouvaient mettre fin à cette terreur... Je pense que de par le monde nous formons un réseau de coeurs brisés par les nouvelles sans fin des souffrances palestiniennes... Silence...
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L
dis à Hatem quenous sommes de tout coeur avec lui ; espérons que Mr Moubarak va faire avancer les choses dans le bons sens.<br /> quant à toi , courage et tiens bon la barre ; ta rage de vivre va reprendre le dessus.on se voit très bientôt , penses-y.gros bisous.
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Z
Naguib, c'est difficile de répondre à un pareil post; il y a tant de douleur, à tous les niveaux ... Pour la Palestine, j'ai pris aussi le parti de me taire mais mon keffieh qui a remplacé ostensiblement l'écharpe - indispensable, <br /> cet hiver - allume des points d'interrogation dans les yeux des gens que je croise; je me tais mais je me recueille;je me tais, mais chaque enfant que je croise me revoie à un enfant de Palestine qui ne verra peut-être jamais les magiques aubes dont nous profitons ces temps-ci; dans mon coeur, je le serre dans mes bras, vivant ou mort ; ma rage, à moi, est muette! Les "promesses" que nous distillent les infos ...? il y a longtemps que je ne crois plus au père noël! Je crois ce que je vois. Il y en a eu un autre avant moi ... Embrasse Hatem pour moi; dis-lui de ne pas perdre espérance. Et toi ... la vie est faite de ruptures; elles nous font avancer, c'est paradoxal, mais quand tu mets un pied devant l'autre tu romps ton équilibre; c'est la même chose dans la vie... Courage! Je t'embrasse,fraternellement, Claire
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J
superbe texte ! nous sommes si proche nous deux !tu te tais et moi je gueule !<br /> bises
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