Reveil solitaire
Depuis une semaine, le patron de la pension de la joie se cloitre dans un silence d’outre tombe ! Il se lève le matin : La pension est trop vide. Jo qui rayonnait de bonheur n’est plus là. Il ouvre ses yeux, souvent même avant le que le réveil ne se mette à diffuser sa sonnerie horrible qui annonce le début d’une journée, encore une ! Ses chats sont là, chacun d’un coté de son oreiller, entrain de miauler pour demander leur petit déjeuner. Il n’a simplement pas envie de se lever. Il allume juste la lampe à coté du lit. La danseuse imprimée sur l’abat-jour est toujours là, figée dans la même position de la veille. Il sort du lit, assourdi par les miaulements de Titi qui s’égorge pour demander son triangle de fromage du matin. Machinalement, il allume la lumière du couloir, se dirige vers la cuisine en enjambant les chats qui lui marchent entre les pieds. Il allume la lumière de la cuisine. Tout est là, à sa place. Personne ne s’est réveillé durant la nuit pour grignoter. Il chauffe l’eau pour son café, donne quelques croquettes pour Pucci, pendant que Titi attend à coté de son assiette le fameux triangle de fromage. Il doit le lui couper en petits cubes qu’elle dévore en ronronnant tandis que Pucci essaye d’en manger un sans qu’elle lui laisse l’occasion de s’en approcher. Pendant ce temps, l’eau a chauffé, et le patron peut enfin se lécher les doigts barbouillis de fromage avant de préparer son nescafé du matin. Puis, direction la salle de bain où il se prépare à la va vite laissant son café se refroidir un peu : il n’a jamais réussi à avaler son café brulant comme fait toujours sa mère. Lui, il aime prendre son temps. Le bureau lui aussi n’a pas changé. Il se met sur son ordinateur après avoir allumé la télé pour voir les dernières nouvelles sur Euronews. Il se connecte, espérant que sa boite mail sera remplie de mails intéressants et de bonnes surprises. D’ailleurs, il la surnomme « la boite à surprises ». La dernière bonne surprise c’était le mail lui annonçant l’arrivée de Jo à la pension de la joie. Il n’a pas regretté son séjour. Il regrette plutôt maintenant son départ. Mais la semaine est plutôt calme. Rien d’extraordinaire dans la boite à surprise ! Rien d’excitant ! Le patron a horreur de cette platitude quand elle s’installe dans sa vie. Il a toujours vu la vie en couleur, et quand ce gris intérieure s’installe, il suffoque. Il boit enfin son café devenu trop froid maintenant. Puis, il passe par la salle à manger pour prendre son cartable qu’il a laissé trainer à coté d’une chaise puisque la veille il avait passé des heures de correction sur cette table. Il se rappelle alors des dernières corrections qu’il avait faites devant Jo et comment elle était là pour l’encourager à finir ces maudites heures interminables, son « purgatoire » comme il l’appelle. Corriger des copies pour des élèves qui s’intéressent peu d’apprendre et qui désirent juste une bonne note à l’examen pour faire plaisir à leurs parents et éviter ainsi une punition qui ne saurait perturber leurs petits plaisirs. Bref, c’est Le calvaire du professeur et le patron est juste content que, au moins pour ce mois, il a pu terminer tout ce qu’il devait corriger à temps. Il salue Pucci, qui, entre temps, est allé se poser au dessus de l’armoire de la chambre numéro un où dormait sa cliente préférée. Pour lui aussi, Jo doit lui manquer beaucoup, parce que souvent, il passe dans la chambre numéro un et miaule comme s’il se demandait où sa compagne de jeu était passée. Le patron essaye depuis le départ de Jo de jouer un peu plus avec le chat, à faire comme Jo faisait, mais, les chats ne sont pas bêtes. C’est bien la touriste française qu’ils cherchent. Bref, le patron doit quand même partir pour son boulot : Il doit affronter, encore pour aujourd’hui, cette vie monotone qui s’empare de lui. Il quitte alors la pension, ferme cette porte sur ce lieu qui lui apporte tant de joie, mais qui, pour le moment, est un peu trop vide pour son patron.