Suite des évènements
(…) Le patron vient de mettre en ligne son article qu’il a écrit durant 5 jours. Il avait peur qu’internet disparaisse de nouveau de L’Egypte et du coup il s’est précipité sur son ordinateur après être retourné de chez ses parents.
Cloué aussi devant la télé, regardant avec horreur ce qui se passe sur la place Tahrir, il n’en croit pas ses yeux ! Après le discours du Président hier soir, discours qui a ému la plupart des Egyptiens, le patron a entendu des cris de manifestants dans la rue. Il est vite alors descendu pour voir ce qui se passait et était surpris de voir des manifestants pro Moubarak qui avançaient dans la rue à coté de la pension en scandant le nom du Président ! Le patron a compris alors ce qui se passait. En fait, après ce discours qui a joué sur l’émotion du peuple, les Egyptiens ont été divisés en deux. Il est resté alors dans la rue un peu pour essayer de mieux comprendre ce qui se passait, puis une fois la petite manifestation d’une cinquantaine de personnes est passée, le patron s’est mis à parler avec ses voisins qui protégeaient le quartier. Tous avaient marre de cette situation tendue, tous trouvaient que les opposants au pouvoir devaient se calmer un peu pour laisser l’occasion au nouveau gouvernement et au Président de mieux gérer la situation. Le patron n’a pas voulu répondre, il a juste osé dire que les coptes avaient tout de même très peur de ce qui se passait dans le pays. Son voisin, musulman, lui a alors répondu : « Monsieur, nous sommes tous coptes, chaque Egyptien est copte ! Vous voyez, pendant cette semaine de manifestations, les églises n’étaient plus protégées puisque la police a disparu, et aucune église n’a été attaquée bien que les rues soient jonchées de pierres. Il ne faut pas avoir peur. Nous sommes tous un seul peuple et on le restera. Mais il faut donner la chance à notre Président de faire ce qu’il a promis. » Le patron s’est senti rassuré, un peu, juste un peu. En fait, quelques minutes avant, son ami d’Alexandrie lui avait téléphoné tout paniqué pour lui dire que partout à Alexandrie, les Frères Musulmans avaient envahi la ville « comme des fourmis » et, quatre par quatre, ils rentraient dans les rues, parlaient avec les milices qui protégeaient les maisons et commençaient à les prêcher. Ils leur demandaient ce que c’étaient pour eux l’islam. Lorsque les milices leur ont dit que c’étaient une religion de paix, les frères musulmans leur ont dit qu’ils se trompaient, qu’ils ne connaissaient pas bien leur religion, et que le prophète Mohamed avait massacré 700 juifs d’un coup dans une guerre ! L’ami du patron en écoutant ça a été effrayé et il est reparti vite ameuter les autres milices du coin et leur a raconté ce qui se passait. Les milices se sont vite précipitées pour leur parler et la discussion a vite tourné à l’affrontement verbal. L’ami du patron était hystérique au téléphone, disant que voilà le résultat du bordel qui règne dans le pays. Il conjurait le patron de téléphoner à ses amis qui sont sur la place encore entrain de manifester d’arrêter ces manifestations parce que, d’après lui, très bientôt, les frères musulmans allaient prendre le pouvoir et massacrer tous ceux qui ne sont pas comme eux. Le patron essayait de le calmer mais l’ami du patron ne voulait rien entendre et a raccroché au nez du patron. Du coup, quoi que les paroles du voisin du patron pouvaient le réconforter, il s’inquiétait quand même du tournant que pouvaient prendre les évènements.
Ce matin le patron est parti voir ses parents et, tout au long du chemin, il voyait se former des groupes de centaines de manifestants à Héliopolis se préparer portant le drapeau égyptien et la photo du Président. Le patron s’inquiétait en voyant que soudain la rue se divisait sur elle-même. Jusqu’à présent ces gens là n’étaient pas descendus dans la rue et là, ils envahissaient, petit à petit, la ville. Le patron est passé juste à coté d’eux et les a bien regardés pour voir si c’étaient les membres de la police qui défilaient devant lui ou bien si c’était vraiment le peuple normal qui, pris par l’enthousiasme après le discours du Président, étaient descendus manifester. En effet, c’était bien le peuple, les habitants du quartier d’Héliopolis. L’inquiétude grandissait chez le patron. En route, il a essayé encore en vain de faire le plein d’essence mais n’a pas pu puisque la plupart des stations services étaient vides et fermées. Une fois chez ses parents, il s’est encore précipité devant la télé pour voir, avec horreur ce qui se passait sur la place Tahrir. Les pros Moubarak attaquaient en masse les antis Moubarak qui étaient réunis depuis hier sur la place. Un vrai champ de bataille. Le patron mourrait d’angoisse surtout qu’un grand nombre de personnes qu’il connait, ses amis, étaient tous sur la place. Il a vite téléphoné à une de ses amies pour voir comment elle allait. Elle avait réussi de sortir de la place et se dirigeait pour prendre sa voiture. Les scènes que la télévision diffusait étaient terrifiantes. Une envie folle de vomir. Le patron s’est précipité alors chez lui, a réussi en chemin enfin à trouver une station service pas très occupée et a fait le plein de sa voiture. Une fois de retour chez lui, il reste depuis devant la télé, regarde le massacre sur la place Tahrir tout en se demandant quand ce cauchemar se terminera. Il se pose alors mille questions : Est-ce que tout cela est vraiment dans l’intérêt de l’Egypte ? Cette révolution est-elle morte ainsi ? Garder les choses comme elles sont n’est-il pas mieux ? Que se passera-t-il maintenant à ces opposants ? Que deviendra l’Egypte ?