L'andil et le masque
Comme chaque année, le patron doit assister, chez ses parents, à un Andil : Les lecteurs et les amis non arabophones se demanderont bien ce que pourrait représenter ce mot là : Pour cela, le patron s’est lancé hier durant le Andil, à poser plein de questions au prêtre copte orthodoxe qui le célébrait. Le Andil, mot arabe qui veut dire « Lanterne », est une prière de bénédiction faite par un prêtre copte pour bénir la maison et ses habitants. La tradition a voulu que cette prière se fasse durant le carême, période d’abstinence de viande et de tout produit animal 55 jours avant la fête de Pâques. Beaucoup de familles coptes invitent donc un prêtre à la maison, invitent aussi souvent toute la grande famille pour cette occasion. Hier, le patron de la pension de la joie, voulant en savoir plus à poser plein de question au prêtre pour pouvoir donner de bonnes informations à ses lecteurs et amis. Durant cette prière, le prêtre apporte avec lui de l’encens, l’hôte doit mettre sur la table, une carafe d’eau qui symbolise la vie éternelle, une assiette avec un peu d’huile et sept bouts de cotons mis sous forme de croix que le prêtre allumera, un peu de persil frais et vert. Puis, le prêtre et les membres de la famille se mettent debout orientés vers l’Est, du côté de Jérusalem. Quelques lectures de la Bible sont lus par les membres de la famille : D’abord une partie de la Création du monde, puis, un partie de l’Evangile de Saint Luc où Jésus rend visite à Zacharie, le petit de taille, qui est monté sur un arbre pour pouvoir voir Jésus au milieu de la foule. Réputé d’être un homme injuste, Zacharie est étonné quand Jésus le voit et lui dit de descendre de l’arbre parce qu’il a prévu de manger chez lui. La foule, indignée se demande alors comment Jésus entre chez un homme injuste. Et la conclusion donnée par Jésus, c’est qu’il est venu pour les injustes. Zacharie annonce alors qu’il redonnera à ceux qu’il a calomnié le quadruple de ce qu’il leur avait pris. Jésus annonce alors : « Aujourd’hui le salut est arrivé pour cette maison. » Puis, suivent d’autres prières récitées en copte durant lesquelles le père du patron, connaissant parfaitement toutes les répliques en copte répondait. Le patron aime bien ce moment parce que la voix de son père est vraiment belle à entendre. Lui, le patron, du copte, il n’en connait nada. Enfin, après les lectures, le prêtre prend l’huile avec les cotons, et en mets du bout du doigt d’abord sur le menton, ensuite le front, ensuite le poigné gauche, enfin le poigné droit des tous les assistants. Vient à la fin la partie folklorique, le prêtre prend le persil vert qu’il plonge dans la carafe d’eau et puis commence à disperser l’eau dans tous les coins de la maison et sur les assistants. Quelques prêtres aussi, apportent un pain de communion copte, fait avec de la levure et le donne à la famille qui le mange ensemble. Chaque année, le patron doit assister à cette prière ! Il sait que ça fait plaisir à sa famille parce que annonciatrice de la fête de Pâque qui aura lieu en Egypte le 19 avril cette année et non comme en Europe le 12 à cause d’un problème de calendrier que suivent les églises de l’orient et qu’il n’a jamais compris.
Pour la petite histoire, le patron se rappelle que la mère du patron faisait venir un certain prêtre pour cette prière, il y a de là quelques années. Durant une des ces prières, ce prêtre en question a regardé autour de lui et a vu un beau masque africain que le patron avait ramené de La Rochelle et qu’il avait accroché soigneusement dans le salon de sa mère. Le prêtre alors, indigné face à ce masque diabolique, fait la remarque qu’il n’y avait pas assez d’images et de tableaux accrochés sur le mur représentant Jésus, et tous les saints dont grouille l’église copte. Il annonce donc qu’il apportera à la famille du patron une belle image de Jésus et décide alors d’enlever le masque du mur. Le patron n’en croyait ni ses yeux ni ses oreilles et allait se lancer à mettre le prêtre en place mais il a suffit d’un regard fulminant de sa mère pour l’en dissuader. A l’époque le patron ne vivait plus chez ses parents et s’est dit enfin qu’il n’allait pas gâcher l’ambiance tant que ce n’est pas chez lui, c'est-à-dire à la pension que le prêtre osait faire une telle remarque et que de toute façon sa mère était libre de mettre ce qu’elle voulait chez elle. Bref, une fois le prêtre parti, le patron ne voulant pas d’histoires, remet le masque à sa place. Quelques jours après, à son arrivée à la maison familiale, il découvre le masque posé sur la table. Etonné, il demande à la femme de ménage si elle avait fait tomber le masque. Elle sourit et ne lui répond pas. Le patron alors lève les yeux sur le mur et voit ce qui pouvait exister de plus kitch, d’un goût de m… accroché avec au milieu Jésus et tous les saints. Ahuri, il demande à la femme de ménage de remettre le masque en place et lui donne l’autre horreur en cadeau. Puis se dirige vers sa mère, hors de lui, et lui annonce que si elle acceptait cette intrusion terrible à la maison, qu’elle ne s’étonne pas la prochaine fois s’il n’assiste plus à ces prières et que, de toute façon, elle avait intérêt à trouver un autre prêtre sinon, le patron était prêt à le descendre devant elle. Effectivement, ce prêtre n’a jamais plus mis pied à la maison. Depuis, à chaque Andil, le patron se rappelle de cette histoire et admire le beau masque accroché fièrement au mur.