Trouille

Bref, c'est avec cette trouille au coeur que le patron est allé à l'hopital accompagné comme d'hab de sa chère mère. Il s'était mis d'accord avec Monsieur Saad, le chauffeur de taxi avec qui il avait fait connaissance depuis quelques semaines et qui vient le chercher de temps en temps pour des courses quand le patron n'a pas trop envie d'attendre dans la rue bêtement. Saad était venu à l'heure, ils sont allés chercher ensuite la mère du patron qui craignait les nouvelles manifestations prévues ce jour-là par les frères mesulmans. Tôt le matin , le père du patron avait essayé de le persuader de ne pas aller à son rendez-vous avec le médecin de peur des manifs, mais le patron a laissé éclater sa colère, poussé par l'accumulation de la peur de la semaine et a insisté d'y aller même non accompagné.
Une fois à l'hopital, le patron a salué les secretaires qu'il connait bien désormais, les infirmières, une en particulier très souriante et qui lui met chaque fois les colirs. Le patron la trouve très sympa et laisse échapper à chaque fois la petite phrase qui la fait mourir de rire en lui mettant les colirs.
Deux heures et demie d'attente, rythmée par la voix du sheiks à la télévision qui lisait le Coran, le patron et sa mère en conversation entrecoupée de commentaires sur tel ou tel patient qui arrive, ou bien par des moments de lectures, la mère du patron le nez dans son journal qu'elle a soigneusement apporté pour tuer le temps, le patron, essayant de se concentrer dans la lecture d'un nouveau roman en arabe qu'il a dernièrment acheté.
Puis, le moment fatidique s'approche. Le patron n'arrive plus à se concentrer et commence à sentir ses mains moites et glaciales qui le gènent. Il essaye de se concentrer dans une prière pour se calmer et se donner le courage. La peur lui fait monter les larmes aux yeux. Il va surtout pas pleurer là, dans la salle d'attente, devant tout ce monde là. Il ne veut surtout pas pleurer non plus devant le médecin. Il doit positiver. Il positivera.
Midi et demi, on l'appelle. Le patron entre , suivi de sa mère, salue le docteur. Celui ci lui fait le teste de champ de vision, puis l'osculte plus précisement avec son appareil. Le patron ne fait que prier sans voix. Le médecin, après quelques secondes d'oscultation qui semble interminables dit: Tout va bien. Tout est en place. Rendez-vous dans un mois pour oscultation. Le patron respire profondement. Il sourit, remercie infiniement le médecin, une folle envie de l'embrasser pour le remercier. La vie continue.