Osta Hassanein
De temps en temps, le patron reçoit des visites à la pension qui restent gravées dans l’histoire de cet appartement perdu au beau milieu d’Héliopolis. L’autre jour, le patron trouve deux appels en absence sur son téléphone portable de la part de son cher tonton, le célèbre sculpteur égyptien Adam Henein. Le patron adore son oncle mais, malheureusement, n’a pas souvent le temps d’aller le voir dans sa belle maison située tout près des pyramides de Guizèh. L’oncle lui demandait en fait de pouvoir accueillir chez lui une sculptrice japonaise qui arrivait au Caire le mercredi 12 puisque l’atelier de l’oncle n’était pas en état d’accueillir qui que ce soit. Le patron qui s’ennuyait déjà de la pension un peu trop tranquille dernièrement, accepte tout de suite. Même s’il est très occupé, il trouverait quand même le temps de rester un peu avec son tonton et aurait aussi l’occasion d’avoir une cliente japonaise, nationalité qui n’a jamais encore mis les pieds à la célébrissime pension de la joie. 
Mercredi matin, le patron découvre que son réchaud à gaz refusait de fonctionner. Les nouveaux clients ne pourraient pas se doucher ainsi, ni lui d’ailleurs, surtout actuellement que l’Egypte voit l’arrivée de l’automne qui s’installe très lentement. Il appelle alors le plombier « Osta Hassanein», un homme d’une cinquantaine d’années à qui les parents du patron ont recourt chaque fois qu’il y a un problème de plomberie. Osta, c'est-à-dire Maitre artisan en égyptien, et c’est vrai que l’homme est un vrai Maitre. Il a commencé sa carrière à l’âge de six ans après que ses parents ont constaté qu’il n’était pas très doué à l’école. (Reste à savoir comment ils ont pu décider si tôt que leur gamin n’avait pas de dispositions pour l’école). Bref, Osta Hassanein travaille donc comme plombier depuis plus qu’une cinquantaine d’années et se plaint que les jeunes artisans d’aujourd’hui ne cherchent que l’argent : « Ils veulent toujours savoir combien je vais les payer à la fin de la journée ! Ils s’en foutent de l’expérience que je vais leur transmettre. Cette expérience, moi, je l’ai eue au bout de toutes ces longues années. Mais eux, ne cherchent que l’argent ! Et puis on se plaint de ne plus trouver de bons plombiers. Evidement, ils préfèrent aller porter les sacs de courses aux gens dans les immeubles et dans les supermarchés au lieu de prendre du temps à apprendre un vrai métier. » 
L’osta Hassanein, est d’origine nubienne. Il commence à sentir la fatigue avec l’âge, la cigarette qu’il n’arrive pas à arrêter, mais il continue à travailler tranquillement et avec beaucoup de précision. Au bout de quelques heures de travail, le réchaud fonctionnait à merveille. L’osta Hassanein ne repart jamais sans avoir nettoyé la moindre saleté que son réparation aurait causée. Pour un travail qui a duré trois heures, l’osta demande soixante cinq livres y compris le prix de la pièce qu’il a renouvelée. Le patron paie, remercie, observe l’osta Hassanein qui s’en va en toussant un bon coup après avoir fumé encore une cigarette.